« C’est un lieu situé un peu hors du temps, cuisiné dans son jus comme on dit, imprégné de ce petit parfum de troisième république propre aux lieux épargnés par la modernité. Le mobilier y est élégant mais sans confort particulier, la déco désuète, mais charmante et propre. Au dessus de la table où j’écris, un joli miroir aux dorures patinées semble veiller sur moi.
Tout à l’heure le réceptionniste m’a proposé sa chambre la moins chère lorsque je suis arrivé. C’est certain qu’avec mes favoris et ma boucle d’oreille j’ai dû lui paraître bien décalé dans cette petite station thermale où tout est à l’image de cet hôtel. Il s’est montré d’une courtoisie exquise tandis que je le questionnais sur ses chambres, me proposant même de me les faire visiter. Vestige d’une époque pas si lointaine où le client était davantage qu’un porte-feuille sur pattes. Je lui ai pris une jolie chambre avec vue sur le parc.
Je me sens bien ici, et je réalise à quel point me pèsent tous ces lieux ultra designés qu’on essaie de nous faire passer pour le nec plus ultra du tourisme. Ce n’est pas que je les trouve laids, c’est juste qu’ils sont un business parmi d’autres. Une simple déclinaison d’un paradigme de marketing qui dit qu’on peut vendre plus cher pour peu qu’on fasse vivre au client une « expérience ». Et rien que d’y penser je me sens envahi de colère et de dégoût à l’idée d’être instrumentalisé de la sorte dans cette gigantesque entreprise d’extorsion de fonds qu’est devenue le marketing…
Rien à voir avec ce que j’ai vécu ici, dans ce petit hôtel suranné posé au pied des montagnes. La personne qui m’a accueilli ici l’a fait en toute simplicité… Et cette jolie chambre où j’écris ces lignes n’a d’autre prétention que de me faire passer une agréable nuit… Et ça ça n’a pas de prix »…
C’est amusant comme ce texte écrit il y a deux ans, peu de temps après avoir quitté mon ancienne vie, m’est revenu ces derniers jours… Amusant aussi de voir le chemin parcouru…
Ma boucle d’oreille n’est plus qu’un souvenir… si ce n’est le petit kyste qu’elle m’a laissé dans le lobe de l’oreille, et que je caresse parfois avec tendresse. Le storytelling des marques et leurs expériences clients me font sourire… J’arrive à les reconnaître pour ce qu’ils sont, de simples artifices… Il m’arrive même d’en rire parfois, tellement je les trouve ridicules, mais je sais aussi les apprécier, lorsqu’ils sont de qualité… Et c’est également vrai pour le design d’ailleurs.
A l’époque je venais de claquer la porte de mon ancien travail. Je n’arrivais tout simplement plus à croire à ce que je faisais. Impression d’être une partie du problème plus que de la solution. Je voulais faire autre chose… Gagner ma vie d’une autre manière, qui ait du sens et qui soit respectueuse de l’environnement et de son prochain. C’est le chemin que j’ai pris aujourd’hui… Je ne sais pas où il me mènera, mais je sais qu’il est juste.
J’ignore si je retournerai dans ce bel hôtel un jour… tant de choses à voir de par le vaste monde
Mais c’est étonnant comme j’ai la nostalgie de ce joli coin ce soir…
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doigt de miel
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