L’art du don

Un jour, il y a très longtemps, je me suis dit qu’il fallait beaucoup donner pour recevoir un peu… Alors j’ai donné, donné, donné, dans mon travail, dans mes amitiés… sans jamais rien attendre en retour, et jusqu’à l’épuisement parfois.

Rétrospectivement il y a quelque chose de très narcissique dans cette attitude… Ca permet de se donner un beau rôle à peu de frais… Je suppose que c’était aussi une façon de me faire apprécier à un moment où je n’avais aucune confiance en moi…

Ca a plutôt bien marché, et je peux dire que je n’ai jamais regretté, mais depuis quelques années je constate que ma façon de donner est devenue contre productive. Ca m’a valu quelques mauvaises surprises… une personne qui a tenté de m’escroquer, et une déception aussi, avec quelqu’un qui comptait beaucoup pour moi et qui a un jour disparu sans un mot ni un au revoir… L’impression étrange, également, qu’en règle générale plus je donnais et moins j’étais considéré.

C’est difficile de savoir ce qui se passe dans la tête des gens, mais je crois que quelque part c’est aussi mon attitude qui était en cause…  C’est bête à dire mais parfois la gentillesse peut être pénible, et vous connaissez peut être aussi des exemples de gens insupportables et en même temps tellement gentils qu’on ne peut simplement rien dire… Je ne sais pas si j’ai été comme ça… J’espère que non, mais peut être qu’à un moment ma façon de donner est devenue une simple posture… Un automatisme qu’on répète simplement parce qu’il a bien fonctionné par le passé alors que le contexte a changé… Cette attitude m’a mené jusqu’à l’absurde… Il me semble également qu’elle a fini par dénaturer mon rapport au don, et à me faire ressentir des frustrations et même de l’amertume… Jusqu’à ce jour, il n’y a pas si longtemps, où je me suis réveillé en me disant que j’étais devenu comme une coquille vide ouverte aux quatre vents, et qu’il ne me restait plus rien à donner…

Puis je l’ai retrouvée, cette source d’amour inépuisable… sans être vraiment certain du chemin qui m’y a ramené… Je sais que je continuerai à donner car ça correspond à ma nature profonde… et aussi parce que je crois profondément qu’il est plus nécessaire d’aimer que d’être aimé… en même temps j’aimerais arriver à le faire d’une meilleure manière dorénavant… Il me semble que ça passe par beaucoup d’écoute et d’empathie… Une certaine dose d’humilité aussi…et admettre que parfois il vaut mieux se taire, et laisser s’envoler les choses comme autant de petits papillons filant vers le bleu du ciel… C’est là qu’ils sont le plus beau :-)…

Shhht donc, mais je n’en pense pas moins :-)))

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13 Responses to L’art du don

  1. home says:

    A un certain moment de ma vie [que je ne te rappellerai pas], j’ai pensé que seul le don pour le don pouvait me satisfaire. Quelle erreur ! Comment être en équilibre si rien n’arrive en retour ? Oui donner c’est beau, ça fait grandir mais ça sclérose aussi si tu ne peux pas être régénéré, par toi… par l'(les) autre(s). Et ça l’est encore plus quand on reçoit aussi – et pas forcément « en retour » – Quand les forces vives sont en perpétuel mouvement entre les deux… et puis une coquille vide elle n’a plus qu’à accepter les fissures et alors elle va pouvoir se remplir !

    Je t’embrasse [c’est pas l’tout, j’ai des valises à faire !]

  2. Rouge says:

    Ciel! Tu lis Marie-Claire?! (grillé!!!) (et moi aussi! hahaha!!!)
    « Et si, face à la violence d’un monde où tout s’achète et se vend, l’une des grandes urgences était celle du don ?
    Du temps, de l’argent. De l’amour ! Pourvu que ce soit gratuit, sans attente de retour. Juste pour la joie de voir l’autre éclore et s’épanouir, comme un jardinier fier de sa rose ! «  On n’est jamais aussi heureux que quand on donne librement », affirme Anne van Stappen.
    Il est scientifiquement prouvé que l’action de donner est liée à la sensation de plaisir. Donner à autrui revient donc à prendre soin de l’autre… et de soi. »
    Source: http://www.marieclaire.fr/,donnez-du-sens-a-votre-vie-donner,20254,446338,4
    C’est drôle parce que quand je suis tombée sur cet article, il y a un mois environ, je m’étais dit que je devrais en faire une note… parce qu’il me semble que c’est ce que nous faisons finalement ici souvent… Nous donnons librement… sans véritable besoin de retour… ou tout juste une envie de commentaires… (qu’on lit avec un plaisir qui doit nous rendre un peu addict?!)…
    Et puis j’avais oublié… Et en te lisant, je me suis souvenue avoir lu cet article… Merci donc pour la piqûre de rappel… :)
    Et puis, il y a cette métaphore de la coquille vide… qui me fait penser au « Liberté » de Paul Eluard… pas si loin du sujet… parce qu’alors le vide laisse le champ libre à tous les nouveaux possibles… comme une renaissance! (et c’est ainsi que la coquille devint berceau…) (comment ça, c’est capilotracté comme raisonnement?!)
    Je crois qu’il ne faut pas confondre le don de soi et l’abnégation, c’est cette dernière qui est source de bien des peines… une question de mesure en somme! :)
    Bisouilles

  3. photaphil says:

    il est aussi parfois gênant de recevoir, de se sentir en quelque sorte « débiteur » de l’autre, des autres…
    je pense qu’il n’y a pas de règle, pas besoin d’un 50/50 parfait, et que donner/recevoir dépend beaucoup de l’univers dans lequel on évolue, mais il est certain que cela ne peut jamais fonctionner à sens unique!

  4. dita says:

    un art et comme tout art, il est exigent.
    J’ai fait des erreurs comme toi mais on apprend, on dose mais pas trop car c’est triste de dire qu’on ne donne qu’au compte goutte. il faut faire confiance aussi à son instinct et je suis sûre que le tien est développé.
    je t’embrasse …. des baisers polaires ( brrrrrrrrrrrrrr ^^) mais un coeur chaud

  5. doigt de miel says:

    Home…
    Ca dépend si tu te places dans une relation particulière ou pas…
    Je crois que les relations individuelles sont rarement parfaitement équilibrées (sinon ce serait que de la compta et ce serait vraiment trop triste ;-)… Mais au final si on considère l’ensemble des gens qu’on connait je crois qu’on finit toujours par tendre vers l’équilibre… Enfin j’espère ;-)…

    C’est certain qu’une relation individuelle se nourrit avant tout d’échanges… Après ça dépend aussi du moment : est ce qu’on est au début, à la fin de l’histoire ? Ca dépend aussi de ce qui te lie à la personne… Il y a des gens qu’on peut aimer même s’ils sont loin et qu’il n’y a pas d’échanges… Parfois on sait que c’est sans espoir… et d’autres fois on se dit qu’elle a juste besoin de temps et de distance pour que la relation puisse éclore… Dans les deux cas ça vaut le coup…
    Il y a effectivement un risque de sclérose lorsqu’il n’y a pas d’échanges… C’est pour ça qu’il est vital de ne jamais s’enfermer dans ce type de relations, mais si on n’en espère rien de plus que ce que la personne peut donner ça fonctionne… En revanche si on tombe dans l’attente on est foutu, mais là ça me rappelle carrément un de tes anciens billets du temps où tu avais un blog… ;-))))
    Have a nice trip, sweet Home :-)
    Kisses
    Ps. J’adore l’idée qu’une coquille vide ne puisse que se remplir ;-)…

    Rouge…
    C’est clair que le don peut être très épanouissant et il y a un plaisir intrinsèque a donner… Il a même été démontré que le don active les mêmes zones de plaisir du cerveau que le chocolat (si, si ;-)… Mais la vraie question est peut être de savoir si ce plaisir serait aussi intense si on ne s’attendait pas à recevoir… par exemple des comms à la suite d’un billet ?

    Je n’ai pas la réponse, en revanche plus j’avance et plus je me dis qu’il faut donner avec humilité, et être conscient que cette attitude implique des risques de manipulation, par exemple lorsqu’on fait un don non désiré à l’autre et qu’il se retrouve dans l’obligation morale de le rendre alors qu’il n’en a pas forcément envie… Il y a un article très complet là dessus : http://agora.qc.ca/Documents/Don–La_logique_du_don_par_Jacques_T_Godbout ; cf.§ « Danger : don ! »…
    Il faut donc trouver des façons de donner qui ne créent pas de dette symbolique (il y en a, heureusement ;-)… et il me semble aussi qu’il vaut parfois mieux s’abstenir… Comme tu dis c’est une question de mesure…
    Bon ben vivement ton billet sur le don alors ;-)
    Des bises !!!
    Ps. Oui le vide laisse le champ ouvert à de nouveaux possibles… Ca m’était complètement sorti de la tête, et je trouve ça très rassurant…
    Merci à toi et à Home de me l’avoir rappelé :-)))

    Phil…
    C’est amusant car ton comm résume assez bien mes réponses aux 2 précédents ;-)… Une relation à sens unique ne peut évidemment pas fonctionner… Après ce serait parfois tellement plus simple de tourner la page si l’autre se donnait la peine de dire ce qu’il en est au lieu de te laisser mariner dans le silence et l’incertitude…

    Dita…
    oui c’est le problème quand on explore… parfois on se plante…
    Ensuite c’est bien de pouvoir en parler et confronter des points de vue… C’est comme ça qu’on avance… et rien que pour ça ça vaut – aussi ;-) – le coup d’avoir un blog ;-)…
    L’instinct est un bon guide… plus j’avance et plus je m’y fie… mais que la route est longue ;-)
    Merci pour tes mots :-)))
    Je t’embrasse
    Ps. pour le côté polaire ça va pas s’arranger… temps de sortir les doudounes (yesss !!! ;-))))

  6. Rouge says:

    Je rebondis sur cette « dette symbolique »… c’est drôle parce que si elle m’est familière, c’est plutôt dans l’autre sens… quand je reçois… j’ai dû trop entendre, étant enfant, qu’il ne fallait pas réclamer!!! En tout cas, j’ai beaucoup de mal, encore aujourd’hui (mais je me soigne!), à demander… notamment de l’aide! :)
    Lu l’article en question (à cette heure matinale… il me faudra le relire!) (bah voui! il est un peu plus dense que celui de Marie-Claire!!!!) mais je retiens que « les liens sont aujourd »hui plus importants que les biens »!!! ;-)
    Pour ma part, désormais quand je donne c’est comme quand je dis « oui », c’est avec le coeur… et si je n’ai pas envie, je ne me force pas… c’est important de savoir dire « non »…
    Et s’il m’arrive, bien sûr, d’être encore déçue… je parviens à me convaincre que si je l’ai fait, c’était parce que j’en avais envie… C’est important pour la suite, quand on se dit que l’on a agi en notre âme et conscience… même s’il reste toujours des gros malins pour savoir en profiter! (Et ma naïveté me pousse même à me dire que leur conscience à eux ne doit pas être si légère…)
    Bisouilles
    PS: Du coup, vue la longueur de mes coms ici, je ne sais pas si je l’écrirai ce billet!… je ferai un « lien » vers le tien!!! ;)

  7. doigt de miel says:

    Je n’arrive pas à comprendre si c’est le fait de recevoir ou le fait de demander qui est difficile pour toi… A moins que ce soient les deux ? ;-)…

    Pour ma part j’ai du mal avec les deux…quand je reçois j’ai l’impression de ne pas le mériter, et quand je demande j’ai le sentiment d’abuser de l’autre… mais c’est peut être aussi un peu par peur d’être redevable de cette fameuse dette symbolique ?… Je me méfie aussi un peu de mes demandes… s’il y a une bonne façon de procéder je ne suis pas certain de l’avoir trouvée… Peut être un prochain sujet de billet ;-)…

    Ce qui est beau avec le don c’est quand l’autre te renvoie quelque chose en retour… Alors on peut engager un dialogue, et de don en contre don c’est ainsi que peuvent naître de belles histoires… Bien sur il y a toujours un risque d’être déçu, mais je crois qu’il faut savoir accepter cette possibilité, et se fier à son instinct pour choisir les bonnes personnes… Une relation ne peut jamais être parfaitement symétrique (d’ailleurs est ce vraiment souhaitable ?) mais tant que chacun y trouve son compte ce n’est pas un problème… et quand on sent que ça devient trop déséquilibré il suffit de mettre un peu de distance le temps que ça se rééquilibre… mais bien sur c’est parfois plus facile à dire qu’à faire ;-)…
    Des bises !
    Ps. Avec plaisir pour le lien… après tout autant profiter des possibilités offertes par le net :-)…

  8. Rouge says:

    les deux mon capitaine! ;) sauf quand je reçois et que je sens que ça vient d’une vraie générosité, gratuite et spontanée, alors j’épouve autant de plaisir à recevoir que la personne n’en éprouve à me donner… et vice/versa! (sans doute ce que tu nommes « dialogue » ou « symétrie »…)
    t’as vu, cette fois j’ai fait court! je progresse! ;)
    ps: pour la bonne manière de demander, je n’en connais qu’un seule: les mots magiques « s’il te plait » et avec le sourire! ;)

  9. doigt de miel says:

    Oui je crois qu’on parle de la même chose :-)
    Bon ben si j’ai quelque chose à te demander un jour je saurais comment m’y prendre ;-)
    Des bises !
    Ps. Bravo pour ta concision ;-)

  10. Dame says:

    J’aime beaucoup ce sujet…

    Donner est tout un art, et certaines personnes sont douées.
    Pour moi, le don… le vrai se reçoit en plein coeur (un peu comme la flèche de Cupidon pour d’autres raisons), alors que le (la) donneur s’est déjà volatilisé. Ceci est une métaphore, mais certains plus haut l’ont évoqué… il s’agit d’humilité que seul celui (celle) qui reçoit, aura perçue. Parce que le donneur lui, est toujours égal à lui même.

  11. doigt de miel says:

    Je crois deviner ce que vous voulez dire…
    Un dernier geste d’affection après que le rideau soit tombé…
    Pour tout vous dire c’est un peu ce que j’espérais faire avec ce billet…
    Je crains de ne pas être très doué pour cela… mais l’affection demeure, c’est un fait….
    Merci pour vos mots, et pour le plaisir de vous lire ici… :-).
    Amitiés :-)

  12. Brigit says:

    Comme l’article le cite, il faut lire Marcel Mauss dans le texte. C’est un de mes livres clés, lu et relu, ainsi que les critiques, interprétations etc. la logique du don se lit aussi au travers d’autres sociétés : le don comme marque de reconnaissance de l’autre, de celui qui est différent et pourtant que l’on reconnait comme digne et son égal au travers l’acte de donner.
    c’est pourquoi des choses sans valeur marchande, mais aussi des actes, peuvent avoir une haute signification, pour soi même, pour celui qui reçoit, mais aussi pour une communauté.
    B

  13. doigt de miel says:

    Oui, on en revient toujours à Mauss sur ces points là… Je ne l’ai pas lu dans le texte mais effectivement pour ce que j’en vois ici et là son analyse du don semble difficilement dépassable… C’est amusant car au départ je l’envisageais exclusivement dans le cadre d’une relation entre personnes, mais plus j’avance et plus je me rends compte que ça touche au fondement même de ce qui cimente une société… alors je vais peut être quand même finir par le lire ;-)…
    Une réserve quand même : c’est que Mauss oriente principalement(dixit wikipedia) son analyse vers le don agonistique… à savoir le don comme obligation de donner, recevoir et rendre… Et pour ma part je pense qu’on peut sortir de ce cadre et envisager le don sans espoir de retour… mais peut être que dès lors on touche à quelque chose de plus profond… qui confine au mystique… Sujet ouvert donc ;-)…
    En tout cas c’est clair qu’il y a des choses qui ont beaucoup de valeur indépendamment de toute notion marchande ou utilitariste et… merci infiniment pour vos mots :-)))
    Je vous embrasse