Les jardins de Salluste…

Il longea le bassin d’un pas léger, accordant à peine un regard aux eaux piquetées de fleurs de lotus, passa sous un portique recouvert d’ipomées en fleur, et suivit une allée qui s’enfonçait sous une voûte de chênes verts aussi anciens que le jardin jusqu’aux deux colonnades qui délimitaient l’entrée de l’enceinte sacrée.

Deux officiantes en gardaient l’entrée. Elles prirent sa toge et le laissèrent s’avancer, nu comme au premier jour, entre les massifs de lauriers roses et les ceps de vignes épars. Il salua les statues unes à unes, en commençant par Vénus et le vieux Bacchus. Il les connaissait toutes depuis le temps… les niobides et les amazones ramenées de Grèce, les faunes, les satyres, cette nymphe qu’il affectionnait tant, ainsi que l’obélisque dressé au fond de l’enceinte. Rares étaient ceux qui savaient encore déchiffrer leurs mystérieuses épitaphes, même parmi les plus érudits des philosophes de l’époque. Mais sa Maîtresse lui avait dit un jour qu’elles étaient dédiées à la gloire d’empereurs qui appartenaient déjà à la légende lorsque les légions de Rome avaient conquis l’Egypte, quatre siècles plus tôt.

Il étancha sa soif à une fontaine ornée de feuilles d’acanthe et se mit à l’ombre d’un cypres pour profiter de la paix profonde qui émanait de ce lieu, situé à deux pas pourtant des thermes où il avait coutume d’aller se rafraichir au lendemain de leurs réjouissances nocturnes.

L’image de sa Maîtresse se fit jour dans son esprit et se précisa au fur et à mesure que l’ombre des cyprès s’étirait sur les dalles des allées ensoleillées, le préparant ainsi au sacrifice qui le ramenait ici à chaque lune depuis ce jour – béni – où elle l’avait mise au défi de la suivre dans les anciens jardins de Salluste.

Son sexe se raidit et se dressa, mais il se garda de le caresser, trouvant bien plus beau de laisser opérer la magie du désir en plus que de se réserver pour la suite, et souriant à cette simple évocation. C’était comme une rivière en lui, qui montait et enflait jusqu’à former un océan de désir portant la barque de son esprit, l’élevant vers celle qu’il allait bientôt retrouver. Ses yeux se perdirent dans le bleu du ciel tandis que le soleil descendait derrière la cime des arbres, annonçant la nuit prochaine.

L’odeur des roses montait dans l’air du soir, et atteignit son apogée lorsque les deux officiantes revinrent pour l’emmener à la colonne de marbre. Elles lui lièrent les poignets au dessus de la tête à l’aide de cordes de chanvre et, se saisissant de verges de noisetier, le fustigèrent jusqu’à tant que chaque parcelle de sa peau vire au rose, puis à l’écarlate. Il les reçut avec joie. Chaque coup formait une marche, un pas de plus sur le chemin menant à elle. C’était la porte qui marquait le début de leurs agapes, selon le rituel immuable qu’elle avait édicté lorsqu’il l’avait connue… ce qu’il advenait ensuite variait à chaque rencontre selon les fantaisies de sa Maîtresse.

Les coups n’étaient pas vraiment douloureux. Ils échauffaient plus qu’ils ne cuisaient, striant à peine sa peau de marques légères dont la brûlure fut bientôt apaisé par la fraîcheur de l’autel de marbre sur lequel elles l’attachèrent ensuite, bras et jambes écartelés. Son sexe gonfla encore et il eut l’impression que tout son être refluait en une boule compacte, chaude, vibrante, concentrée au bas de son ventre subitement doté d’une vie propre. Il frissonna, mais ce n’était pas de froid, et son trouble se mua en un tremblement compulsif, incontrôlable lorsqu’il entendit son pas léger dans la nuit.

Son cœur s’accéléra dans la cage de sa poitrine lorsqu’elle s’arrêta devant l’autel. Elle retira sa mante et sa tunique et, sans dire un mot, ne conservant que ses sandales, le rejoignit, l’effleurant de ses lèvres, de sa peau, de la pointe érigée de ses seins. Il frémit sous la caresse de ses cheveux glissant sur son sexe et ondoyant sur son torse avec la légèreté d’une plume. Il entrouvrit ses lèvres pour recueillir la liqueur de sa bouche lorsqu’elle vint se placer au dessus de son visage en se frottant contre son ventre.

Elle s’avança encore et s’assit à califourchon sur son visage. Son odeur légèrement musquée emplit ses narines. Il aperçut l’éclat de ses yeux, loin au dessus de lui, entre ses seins adorés, et plongea sa langue en elle, balayant, léchant, lapant, aspirant les plis les plus secrets, regrettant simplement de ne pouvoir la caresser davantage en raison des liens qui entravaient ses poignets. Mais c’était sa loi, son droit, son choix.

Elle se laissa aller de tout son poids sur son visage et il inspira de toutes ses forces, cherchant un peu d’air dans sa chair inondée. Un flot puissant, sublime, enivrant, emplit ses sens et gonfla son esprit de bulles d’extase tandis que sa langue s’activait de plus en plus frénétiquement. Il se sentit fondre, se dissoudre en elle à l’instant où le plaisir la traversa. Quelque chose le transperça de part en part, comme une flèche de lumière surgie de partout et nulle part à la fois. Il perdit la notion du temps et de l’espace.

La lune était haute dans le ciel lorsqu’il rouvrit les yeux.
Il n’était plus attaché, et sa Maîtresse déjà partie.
Ne restaient que les deux officiantes…
Qui attendaient son réveil…
Nues sous la lune…


PS. Vous vous souvenez peut être de ce billet, sur Rammstein, où je proposais un jeu ?… Ben voilà… le gagnant (que je salue au passage ;-) m’avait demandé d’écrire un billet contenant les mots « liens », « philosophe », « chanvre » et « Rome » en guise de gage… Bah oui… ;-)…

PS2. Pleine lune cette nuit, à 2h55

PS3. Euh non rien ;-)

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