De grands nuages blancs s’élevaient en chou-fleurs géants au dessus des vallons et des collines. Leur floraison rapide contrastait étrangement avec le calme qui s’était emparé des alentours de la falaise. Pas un souffle de vent, pas un son, juste ce spectacle majestueux offert avec les compliments de Dame nature. Il ne prononçait pas un mot, subjugué par le camaïeu des forêts et des pâturages qui s’assombrissait à vue d’oeil., puis il tourna la tête vers La Dame qui se tenait à côté de lui. Elle aussi le subjuguait, encore que d’une manière assez différente.
Il lui trouva fort belle allure ainsi juchée sur ce promontoire dominant le paysage. Derrière elle le ciel avait pris une teinte de plomb crépusculaire, qui se reflétait dans le cristallin de ses beaux yeux clairs tournés vers l’orage qui s’avançait. Un souffle de vent vint lécher une mèche de ses cheveux. Un éclair traversa l’horizon, et la tira de sa contemplation muette.
– Partons, il ne serait pas prudent de rester ici.
Il n’était pas mécontent de lui emboiter le pas. L’orage n’était pas encore sur eux, mais il n’était pas du tout rassuré d’avoir à traverser la forêt qui les séparait de la voiture. Elle même semblait parfaitement insouciante et marchait d’un pas calme et assuré dans le bruissement qui tombait des frondaisons et le tonnerre qui grondait dorénavant de toute part.
– Vous n’avez pas peur de la foudre ?
– Non. Un orage en forêt n’est guère plus dangereux qu’un orage en ville… Ce sont les arbres isolés qu’il faut éviter à tout prix dans ces cas là… et de toute manière nous sommes presque arrivés.
Elle s’engagea sur un sentier discret qui bifurquait depuis la route et s’enfonçait sous les arbres en serpentant jusqu’à une clairière occupée par une vieille grange.
Tu vois, ce n’était pas la peine de t’affoler fit elle en s’installant sur une grande chaise en rondins disposée sous l’auvent de la bâtisse abandonnée.
– Vous saviez qu’il y aurait un abri ici.
– Bien sur ! Je m’étais renseignée môa, fit elle en tapotant l’accoudoir de sa chaise.
Il ne se fit pas prier et retrouva aussitôt cette impression d’apaisement et la curieuse sensation d’être parfaitement à sa place qu’il éprouvait à chaque fois qu’elle le faisait asseoir à ses pieds.
La pluie était toute proche à présent. Il la devinait, tapie dans le roulement continu du tonnerre et le feulement des bourrasques qui venaient fouetter la cîme des arbres. Les hautes herbes qui tapissaient la clairière se mirent à danser un fox trot affolé. Un éclair tomba tout près et ce fut comme si un mur de briques venait de s’écrouler sur le côté de la grange. Il sursauta en gémissant et s’agrippa à ses jambes croisées. Elle lui caressa les cheveux tandis que le toit de l’auvent se mettait à crépiter. La clairière s’habilla de traits de pluie qui fusaient de toutes parts en scintillances argentiques dans les flashs de l’orage.
Il regarda le monde se dissoudre dans l’eau et la lumière, tout heureux d’être là, bien au chaud sur ses genoux. Il savait déjà que plus tard, lorsqu’il repenserait à cet instant, il s’interrogerait une fois encore sur ce mélange unique de paix et de plénitude qu’elle avait le don d’éveiller en lui, mais pour l’heure cela n’avait strictement aucune importance, et seul comptait le cocon de chaleur animale qu’elle tissait autour de lui en cet instant. Il se lova autour de ses pieds pour contempler l’orage avec elle, et un temps situé hors du temps s’écoula ainsi tandis que les éclairs s’estompaient peu à peu.
– Dis moi mon ami, pendant que j’y pense…
– Oui, fit il soudain tiré de sa rêverie
– Tu n’étais pas sensé nous emmener dans un coin à champignons tout à l’heure ?
– Ben oui… mais comme je Vous disais il a fait trop sec ces derniers jours.
– Sans compter que si tu ne nous avais pas trainé dans ce coin perdu nous ne nous serions jamais retrouvés pris dans cet orage
Ah ben ça c’était la meilleure, comme si ce n’était pas elle qui avait voulu rester sur cette falaise au moment du retour !
– Oh, quelle mauvaise foi !, fit il d’un ton indigné
Elle lui répondit avec un charmant sourire, aussitôt suivi d’une gifle et de l’ordre de se déshabiller.
– Allons plus vite, insista t elle en ponctuant son ordre d’un discret coup de talon.
– Là-bas, fit elle en désignant la clairière du bout du doigt lorsqu’il se retrouva tout nu devant elle.
– Quoi ? Sous la pluie ?
– Bien sur, à moins que tu préfères ce gros fourré d’orties là bas, bien au sec sous le rebord du toit de la cabane.
– Mais c’est qu’elle est très froide.
– Bon, et bien les orties donc.
– Euh, je vais y réfléchir…
– Très bien va me chercher des orties !
– C’est très bien réfléchi, lui lança t elle un peu plus tard d’une voix moqueuse tandis qu’il se dirigeait vers la clairière en frottant ses fesses rougies.
Passé le premier choc thermique la pluie était très supportable, voire même presque agréable malgré la baisse de température. Il se tourna vers elle et s’agenouilla dans l’herbe en posant ses mains sur ses cuisses entrouvertes, paumes tournées vers elle. Ainsi assise derrière les rideaux de pluie qui dévalaient de l’auvent elle lui évoquait quelque déesse trônant sur le monde. ll soutint son regard pendant quelques instants avant de baisser la tête, subitement intimidé par son allure. L’idée qu’elle était en train de l’observer en cet instant précis déclencha en lui une raideur immédiate. Il écarta ostensiblement les cuisses. Comme toujours il était fier de s’exhiber ainsi à elle et mit un point d’honneur à redresser le buste et à cambrer les fesses tout en gardant les yeux baissés en signe d’humilité. Un long frisson parcourut son échine et il se mit à trembler de tous ses membres sous la pluie.
Elle sourit, et le laissa mariner ainsi jusqu’à ce que les tremblements s’apaisent. Elle adorait le mettre dans cet état et l’y maintenir jusqu’à ce qu’il accepte entièrement sa soumission et retrouve la paix de l’abandon. Ses doigts glissèrent hors de son ventre brûlant, puis elle se leva et se déshabilla à son tour.
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doigt de miel
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