C’est arrivé un soir de fin d’été, alors que je me trouvais au pays de Heidi
Ce jour là elle m’avait demandé de l’accompagner lors d’une importante visite aux nymphes qui vivent sur les berges de l’altensee… Quel privilège elle m’avait fait là !… Bien sur c’était un peu intimidant de se promener vêtu d’un simple pagne au milieu de toutes ces ravissantes créatures… Mais tel était le lot des garçons en ce joli pays… du moins aux beaux jours car en cette fin d’année c’est plutôt brrrr ;-)…
Il y avait cette belle jeune femme brune qui nageait dans les eaux d’émeraude du lac. Au début j’ai cru que c’était une sirène comme on en voit parfois depuis les rives, mais j’ai vite compris ma méprise lorsqu’elle est sortie de l’eau dans le plus simple appareil et s’est allongée sur un rocher pour se sécher au soleil. J’étais subjugué par sa beauté et n’ai pas pu m’empêcher d’en concevoir une certaine raideur ;-)… Elle n’en a rien remarqué… ou peut être simplement était elle indifférente à mon émoi, contrairement aux deux nymphes qui se sont esclaffées en pointant la bosse qui soulevait mon vêtement… En temps normal j’aurais été gêné, mais là ça m’a simplement fait sourire… peut être car la culpabilité n’existe tout simplement pas sur ce bel alpage…
Lorsque les feux du soleil se sont abaissés sur l’horizon la belle inconnue s’en est allée. Je l’ai regardée, des étoiles plein les yeux, s’éloigner de sa belle démarche féline et souple en direction de la forêt
Au crépuscule Heidi m’a envoyé aider à dresser les tables du festin avec d’autres garçons. J’étais très fier d’arborer un collier frappé à sa marque et j’ai fait en sorte de lui faire honneur… Mais il me semble que mes confrères étaient à peu près tous dans le même état d’esprit ;-). Il y avait une curieuse allégresse dans l’air, comme une grande vibration de plaisir qui montait au fur et à mesure que la nuit tombait…
Lorsque la première étoile s’est allumée nous avons vu approcher trois jeunes femmes vêtues de blanc. Chacune portait une torche… Elles ont allumé le bûcher que nous avions disposé au centre d’une clairière entourée de tables que nous avions chargées de corbeilles de fruits odorants, de fleurs fraiches et de coupes d’argent destinés aux convives de l’événement qui se préparait. La vibration de plaisir que j’avais ressenti depuis mon arrivée s’est amplifiée.
Les nymphes arrivaient en masse de la forêt. Elles se disposèrent par groupes joyeux de 7 ou 8 personnes rassemblées auprès des tables… Toutes semblaient attendre quelque chose… ou quelqu’un… Heidi me fit signe de la rejoindre à sa tablée et je me postais à côté d’elle, un pas en retrait. L’air tiède était chargé d’étranges effluves qui évoquaient un peu la menthe poivrée…
Un flambeau apparut au sommet d’une colline, puis un autre, et un autre encore. Ils descendirent vers nous en une longue procession entourant un palanquin porté par 4 elfes splendides. Elles étaient toutes là, les fées de la forêt, menées par Titania en personne. Même la mystérieuse Hiroko était présente, ce qui était dire toute l’importance de l’événement. Elles entrèrent dans le cercle des tablées comme dans un rêve, en faisant surgir un halo de lumière poudreuse dans leur sillage. Elles s’arrêtèrent devant une immense souche d’arbre taillée en plateau et gravée de runes mystérieuses.
La Dame qui m’avait tant ému au cours de l’après midi les attendait debout, fièrement dressée de l’autre côté de la souche. Les elfes déposèrent délicatement le palanquin devant elle. L’odeur de menthe poivrée était à présent à son comble et embaumait l’atmosphère. Je compris soudain qu’elle provenait du bouquet de plantes aux feuilles bleutées posées sur le palanquin.
Titania s’avança vers la Dame et tendit la main vers le bouquet niché dans un écrin de soie grège de couleur émeraude. « Voici la menthe des fées qui ne pousse qu’entre les roches du haut plateau. C’est lady D qui l’a récoltée et apprêtée par une nuit de pleine lune, et c’est Némésis qui a préparé le bouquet comme le veut le rituel. Nous les fées te l’offrons afin que tu en fasses bon usage lorsque tu entameras ton grand œuvre »
La Dame s’inclina profondément et remercia solennellement les fées d’une voix haute et claire. Elle défit le fil d’or qui maintenait le bouquet et prit une branche qu’elle mit à tremper dans un chaudron posé sur un petit brasero. Une abondante fumée laiteuse s’en éleva aussitôt. J’eus un mouvement de recul mais Heidi me dit qu’il n’y avait rien à craindre.
C’était heureux car déjà le nuage retombait sur nous en fines gouttelettes de particules odorantes et rafraichissantes. Une paix profonde m’envahit au fur et mesure que le philtre dénouait chaque parcelle de mon être. Je me sentais léger, et calme, et gai, avec une envie croissante de rire et de faire la fête… Une très forte envie aussi de baiser les jolis pieds de Heidi. Ca la fit sourire… Plus tard me souffla t elle en m’aidant à me relever… C’était amusant car je ne me souvenais absolument plus à quel moment j’étais tombé à genoux à ses pieds ;-). J’eus à peine le temps d’embrasser son cou de pied ;-).
Un roulement de tambours monta de la forêt toute proche… donnant le signal des agapes… Les fées s’élancèrent les premières autour du feu, lorsque le son des flûtes s’éleva à son tour. Heidi ne tarda pas à les rejoindre et je restais quelques instants seul à m’émerveiller du spectacle de leur farandole enchantée, jusqu’à ce qu’une main m’agrippe au passage et m’entraine mon tour dans le cercle tourbillonnant autour du feu de joie.
Tout s’estompa en une folle sarabande. Je me sentais comme une petite goutte d’eau entrainée dans un joyeux torrent. Seuls les frôlements de mains, de cheveux et l’impression de rebondir sur le sol à chaque fois que mes pieds touchaient le sol d’herbe élastique venaient parfois me rappeler que je demeurais un être singulier au milieu de cet enchantement de formes dansantes.
J’aperçus des silhouettes qui s’enlaçaient et s’embrassaient… Heidi avait grimpé sur les épaules d’un des porteurs de palanquin… Quelqu’un attrapa ma main. C’était une des nymphes qui s’étaient moquées de mon excitation dans l’après-midi… Bientôt rejointe par sa complice… Elles m’ont fait tourner, tourner, tourner en me fixant de leurs yeux rieurs jusqu’à ce que je ne sache plus distinguer ma gauche de ma droite… Puis elles m’ont entrainé hors du cercle, et lâché les mains. Je m’affalais aussitôt dans l’herbe tiède en riant, et restais un long moment les yeux fermés le temps que le roulis s’apaise.
Lorsque je les rouvris je vis la Dame brune qui me dominait de toute sa haute stature.
– Hé toi, me fit elle en posant son pied sur mon torse, si tu crois que je ne t’ai pas remarqué cet après midi…
Je préfère jeter un voile pudique sur ce qui m’arriva ensuite, mais toujours est il qu’elle m’a demandé ce qui me ferait plaisir lorsqu’elle en eut fini avec moi.
– Juste votre prénom… soufflais je encore tout sonné de jouissance…
Elle me l’a chuchoté à l’oreille… en m’interdisant de jamais le révéler à personne… Mais je n’oublierais jamais ce que j’ai ressenti au petit jour lorsque je l’ai vue s’envoler vers le nord sur un chariot tiré par des rennes…
Plus tard Heidi m’a expliqué que la menthe des fées est un ingrédient essentiel du philtre qu’elle élabore la nuit du solstice avant d’aller le disperser par monts et par vaux quelques jours plus tard… et créer cette douce vibration de joie qui enfle dans l’air au tournant de l’année, lorsque les jours recommencent à rallonger.
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;-)
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doigt de miel
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