Elle…
Je me suis levée, comme toujours, avant l’aurore. J’ai bu un café brûlant dans le jardin d’hiver en regardant le ciel s’éclaircir le long des crêtes. C’est amusant, ici ce sont toujours les pics qui se dénudent en premier lorsque la neige se met à refluer. On dirait des bourgeons de pierre transperçant le blanc manteau de l’hiver. Je lave mon bol comme une grande fille… Il faut savoir faire les choses soi même. C’est une bonne façon de rester simple, et j’ai d’autres jeux en tête pour le garçon qu’Ondine m’a confié pour quelques semaines.
.
Lui…
Je suis parti au petit matin, la lune glissait majestueusement à travers l’aurore. J’ai filé vers l’ouest à travers des prairies gelées, avec une petite pensée pour une blogueuse lorsque je suis passé du côté de Metz ;-). Le printemps est devenu perceptible au sud ouest de Paris, lorsque les arbres ont commencé à se recouvrir d’une fine mousse de bourgeons qui teintaient leurs branches dénudées de jolis reflets d’émeraude. Le thermomètre affichait un beau 14°. J’ai eu une pensée pour une blogueuse… une autre :-)…
.
Elle…
Je suis passée dans la grange avant de sortir. Il travaillait déjà sur le vieux métier à tisser, le visage béat. Il me fait penser à un Ulysse qui aurait rompu les liens de son mât, envoûté, plongé dans une bulle enchantée. Ondine me dit qu’elle n’y peut rien, que c’est dans sa nature de fée, mais je m’étonnerais toujours des océans d’extase dans lesquels elle parvient à immerger ses affidés. Ca les rend parfois un peu idiots, mais aussi très doux et très dévoués. Le murmure de la montagne a encore grandi depuis ma promenade d’hier, aussi beau et limpide à présent qu’une sonate de Jean-Sébastien Bach. Je guette le signal. Je sais qu’il ne tardera plus.
.
Lui…
Les arbres se couvrent d’une résille qui masquera bientôt les boules de gui qui pendent par dizaines à leurs branches. J’arrive à la croisée des noms qui font rêver… Brest, Lorient, Saint Malo… Une fois n’est pas coutume je pique au sud et, vers Brocéliande, me laisse envelopper par la douceur d’un air floral à 18° que mon corps n’a pas connu depuis une éternité. Un petit papillon jaune fait de joyeuses acrobaties entre les premières fleurs, un rouge gorge pousse sa chansonnette de branche en branche. Au loin des éoliennes. Je ne connais pas de blogueuse dans le coin (s’il y en a une qu’elle se manifeste avant mon départ ;-)
.
Elle…
Le signal est apparu au cours de la nuit… La vie a repris son cours dans l’alpage. Je retire mes vêtements et m’avance nue vers l’onde limpide pour lui dire ma joie, et mon amour pour tout ce qui vit d’ici à l’embouchure du fleuve. Je rentre, les yeux emplis de prairies fleuries, et retrouve le chalet couvert de roses. Le garçon a fini son ouvrage pendant ma promenade. Un joli calicot tissé qu’il a étendu sur la façade pour célébrer le retour du printemps… C’est tellement adorable… Envie de jouer avec lui, là, tout de suite, dans la neige, avec les roses pour toile de fond… Il pourra toujours me faire mon soin plus tard… quand il aura récupéré ;o).
.
Lui…
Je traverse l’estran avec mon pain sous le bras. Sur la plage une pirogue entourée de canots monte et descend au gré des marées, séparée de la maison par un jardin qui m’invite au naturisme. Joie de marcher pieds nus dans l’herbe. Le sable de la côte océane est plus frais… Content de m’être installé sur cette petite mer intérieure et enchanteresse. Le chemin se déroule, souple sous mes pas. Les sensations se succèdent et forment d’étranges tableaux où s’entremêlent la mer, les herbes de Provence et l’odeur des roses… Les filles sont belles et souriantes, j’ai les sens qui bourgeonnent… Printemps…
(avec la participation exceptionnelle de Miss Heidi Silicium :-)
___________________
Heidi Silicium
4 Responses to Tranches de printemps